Rétablissons la confiance !

Discours de Guillaume Lepers, Président du groupe L’Avenir ensemble, lors de la session du 8 mars 2019.

 

Monsieur le Président,

Chers collègues,

La nouvelle du décès de notre collègue, Pierre Costes, nous a profondément attristé. Au delà de ce qui pouvait nous séparer, nous avions du respect pour l’homme et pour son engagement. Il était un élu impliqué au service du territoire. Permettez-moi, au nom de notre groupe, de vous adresser, à vous, membre de la majorité qui étiez ses collègues et amis, ainsi qu’à sa famille et ses proches, nos plus sincères condoléances.

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Mes chers collègues, aujourd’hui, dans un contexte national plutôt morose, alors que notre pays est confronté, depuis plusieurs mois, à des mouvements de contestations, je voudrais vous parler de confiance.

La confiance est le ciment de toute relation pérenne. C’est ce qui créé des liens solides et durables tant dans la vie privée que dans la vie publique. Dans une société, c’est ce qui permet notamment de faire fonctionner la démocratie, ce qui amène des citoyens de tous horizons à confier des responsabilités à des représentants politiques.

Malheureusement, cette confiance nous fait, aujourd’hui, défaut. Ne nous voilons pas la face, ce que nous traversons, actuellement, est véritablement une crise de confiance.

Une partie de nos concitoyens ne croient plus en rien. Ils ne croient plus en la démocratie, ils ne croient plus en leurs institutions, ils ne croient plus en l’Union Européenne, ils ne croient plus en l’Etat, ils ne croient même plus en l’action locale, pourtant si proche de leur quotidien.

Pourtant, la résolution de nos problématiques ne pourra passer que par le rétablissement d’une véritable confiance. Cette confiance, il faut la restaurer à bien des niveaux : au niveau européen, au niveau national et même au niveau local. De ce point de vue, les enjeux à venir sont particulièrement importants.

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Au niveau européen, tout d’abord, avec la tenue, dans les prochaines semaines, des élections européennes.

Malheureusement, la défiance de nos concitoyens n’épargne pas les institutions européennes. Bien au contraire, elles sont vivement critiquées.

Il faut nous rendre à l’évidence, loin de permettre à tous les citoyens de nos pays de vivre mieux, les institutions européennes apparaissent, aujourd’hui, particulièrement inadaptées voire impuissantes sur bien des sujets. Elles ne sont plus, aux yeux des citoyens, qu’un « monstre technocratique » éloigné des réalités.

Pourtant, si l’UE doit évoluer et s’adapter, elle n’en est pas moins un échelon essentiel pour l’avenir. Mes voyages professionnels m’auront appris au moins une chose : vu de plus loin, sans l’Europe, la France apparaît bien fragile face aux hyper-puissances que sont les Etats-Unis ou la Chine. Il nous faut donc travailler ensemble dans l’Union Européenne pour peser face à la concurrence mondiale.

Les députés européens, qui seront élus le 26 mai prochain, auront une lourde responsabilité dans le rétablissement de la confiance. La tâche sera rude. Il leur faudra, au sein de l’UE, changer les habitudes, rationaliser les procédures et s’emparer des sujets essentiels pour l’avenir de notre zone. Des décisions vont devoir être prise rapidement au risque d’aggraver la crise de confiance actuelle.

Je suis, pour ma part, sur ce sujet un incorrigible optimiste. Je crois en la capacité de l’Europe à se réformer durablement et à retrouver la confiance des peuples. Pour cela, j’espère que les électeurs mesureront l’enjeu de ces élections à venir.

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Au niveau national, également, le Président de la République a la lourde charge, ses prochaines semaines, de rétablir la confiance perdue.

Les mouvements contestataires de ces derniers mois ont montré l’ampleur de la fracture sociale et territoriale qui existe dans notre pays et ont révélé la crise de confiance dont je vous parle aujourd’hui. En annonçant le Grand Débat National – avait-il vraiment le choix ? – le Président de la République a lancé un pari aux Français. Il a surtout amplifié les attentes qui existaient déjà chez nos concitoyens.

Nous avons, pour notre part, groupe L’Avenir Ensemble, choisi de participer et d’apporter notre contribution écrite dans le cadre de ce Grand Débat National. Il nous a semblé important, dans ce contexte, de ne pas pratiquer la politique de la chaise vide et de s’engager pleinement dans la démarche. Il ne s’agissait pas, pour nous, de parler de nous ou de n’aborder que nos problèmes de conseillers départementaux mais bien de relayer les inquiétudes et les attentes des citoyens.

Le sentiment d’abandon des habitants, les services publics qui ferment, les équipements qui viennent à manquer, les fins de mois difficiles sont autant de préoccupations dans nos cantons. Ainsi, à travers quatre pages de contribution, nous avons proposé des axes de réflexion et des solutions concrètes pour l’avenir de la France et de ses territoires.

Il s’agit, tout d’abord, de redonner du pouvoir d’achat aux Français en repensant, par exemple, la fiscalité – nationale et locale – pour qu’elle soit plus juste et plus équitable pour les contribuables. Comment expliquer aux Français les si grandes disparités d’imposition qui existent entre les territoires ? Pour les ruraux, c’est la double peine. Il faut, également, dès à présent, réindexer les pensions de retraites sur le coût de la vie afin de permettre à nos ainés de profiter sereinement de leurs années de retraite.

Les réponses politiques devront également passer par la relance de l’économie dans nos territoires. En la matière, la priorité est simple : réduire la pression administrative et fiscale qui pèse sur nos petites entreprises, nos artisans et nos commerçants. Laissons-les travailler ! Réduisons les charges et les normes. Il me revient à l’esprit cette phrase, au combien d’actualité, du Président Pompidou : « Arrêtez d’emmerder les Français ! ».

De même, la réduction de la fracture sociale et territoriale doit passer par la mise en place d’un système social plus juste et plus efficace. Aujourd’hui, notre système est à bout de souffle. Trop complexe, illisible, trop rigide, mal coordonné, il ne répond plus aux problématiques rencontrées. Il nous faut le simplifier et créer un parcours mieux adaptés aux demandeurs. En matière de réinsertion, il nous faut développer un système plus incitatif au retour à l’emploi et favoriser réellement la formation professionnelle. Cela doit être une priorité. Pourquoi ne pas également généraliser la mise en place d’actions innovantes qui existent dans le domaine comme, par exemple, le dispositif « RSA / Bénévolat » ? Nous continuons de penser, Monsieur le Président, que nous devrions mettre en place, à l’image de nos collègues alsaciens, ce dispositif dans notre Département. Votre initiative de rendre obligatoire l’inscription de tous les bénéficiaires du RSA sur la plateforme JOB47 semble être un premier pas dans cet objectif, même si elle contrarie votre fond idéologique.

Pour contribuer à restaurer la confiance et réformer notre pays, il faudra également faire évoluer notre démocratie. Une rénovation nécessaire qui passera, certainement, par la diminution du nombre de parlementaires. Mais cette diminution doit s’organiser sur la base d’une logique géographique et non démographique afin de ne pas affaiblir nos territoires ruraux. L’effet serait alors purement catastrophique pour nous. De même, il serait intéressant de remettre en place le « conseiller territorial ». Un élu unique pour siéger à la fois à la Région et au Département permettrait de réduire intelligemment le nombre d’élus locaux tout en leur permettant d’avoir une vision transversale sur les projets de territoire. Il nous faut également favoriser l’engagement citoyen (associatif notamment) grâce à la reconnaissance par l’Etat du temps passé au service de la communauté et de l’intérêt général.

Notre société doit également garantir une véritable égalité des chances. Pour cela, en matière d’éducation, il faut cesser les fermetures de classes en milieu rural basées sur de simples enjeux budgétaires. Il faut développer un véritable suivi éducatif et un parcours d’orientation clair en faveur des jeunes défavorisés et des jeunes issus des territoires ruraux. Lever les obstacles sociaux et géographiques qu’ils peuvent rencontrer. Il nous faut les encourager à la mobilité pour leur donner toutes les chances de réussir dans la vie. Accompagnons mieux les jeunes de nos territoires et formons les citoyens responsables et engagés de la société de demain.

Enfin, il sera indispensable que le Président de la République s’attèle à résorber efficacement les inégalités territoriales. Le sujet de la désertification médicale est notamment un sujet essentiel. Il y a urgence. Que cela passe par l’augmentation du nombre de médecins formés, par la création d’un zonage pour l’installation des nouveaux médecins ou par la limitation du nombre d’années réalisées en tant que remplaçant, il faut avoir le courage politique de mettre en place des solutions et recréer un maillage territorial. D’autres services, équipements et infrastructures essentielles sont également à développer dans nos territoires ruraux. Que cela soit en matière de téléphonie mobile, en matière d’accès au numérique ou encore, de grandes infrastructures ferroviaires, aéroportuaires ou routières, de véritables investissements doivent être engagés. Inscrivons dans la loi, l’obligation d’investir un euro dans les territoires ruraux pour tout euro dépensé en zone urbaine afin de rétablir l’équilibre territorial.

Voilà, en quelques mots, la teneur des éléments que nous avons transmis au Président de la République. Des propositions qui, selon nous, peuvent être le socle du rétablissement de la confiance et du nouveau « contrat social » dont notre pays a besoin.

Nous sommes, d’ailleurs, ravis que la majorité départementale nous rejoigne sur bons nombres de ces sujets et que le Département du Lot-et-Garonne apporte également une contribution. Espérons que les participations de ce genre, exprimant la voix de la ruralité, se seront multipliées et souhaitons, surtout, que le Président de la République entende nos arguments.

Aujourd’hui, bien plus encore qu’il y a quelques mois, les attentes sont immenses. Pour restaurer la confiance, ce Grand Débat National doit impérativement déboucher sur des actes. Le Président de la République ne pourra se contenter d’effets d’annonce ou de mesurettes pour rétablir l’ordre et redonner confiance. Il devra proposer des réformes profondes et agir rapidement, faute de quoi la crise de confiance deviendra irréversible.

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Enfin, sur le plan local, nous avons également, nous élus, notre rôle à jouer dans le rétablissement de cette confiance. Un rôle essentiel et une responsabilité d’autant plus grande que nous sommes, chaque jour, au contact de nos concitoyens. Nous connaissons leurs difficultés et leur quotidien.

Aussi, nous ne pouvons, aujourd’hui, nous contenter, comme cela a été trop souvent le cas ces dernières années, au niveau national comme au niveau local, de faire simplement de la communication ou de l’affichage politique. Il nous appartient de faire preuve de toujours plus d’humilité et de réalisme dans notre approche. Il nous faut cesser les grands discours pour se concentrer sur les actions encore possibles.

Demandons-nous ce que nous pouvons faire pour rétablir la confiance de nos administrés en notre action. Faire croire, notamment, à une toute puissance du Conseil Départemental ne nous apportera rien. Nous sommes, ici, tous bien conscients des limites de l’action de notre collectivité, à présent, désarmée par la loi NOTRe et contrainte financièrement. Si, à ce jour, le Conseil Départemental peut encore exercer ses compétences, n’oublions pas que c’est grâce aux impôts des Lot-et-Garonnais et à la hausse que vous, majorité départementale, leur avez imposé en 2017. Cela porte donc à 35 % la hausse d’imposition depuis le début de votre gouvernance : 15 % en 2009 et 20 % en 2017. C’est énorme !

Monsieur le Président, vouloir mettre en place des mécanismes de démocratie participative est, évidemment, louable. Nous ne pouvons qu’être attentifs à une telle démarche. Mais malheureusement, je doute un peu de la sincérité et beaucoup de l’efficacité de celle-ci. Quelques petits dispositifs participatifs, à la veille des prochaines élections départementales, ne suffiront pas à faire oublier les limites de l’action de notre institution, ni à restaurer la confiance des Lot-et-Garonnais en leurs responsables politiques. Dans le contexte que nous traversons, soyez sûrs que nos concitoyens ne se contenteront pas de quelques miettes et encore moins, d’un énième plan communication de la majorité départementale. Une fois de plus, vous nous vendez de l’eau tiède.

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Trop longtemps, les responsables politiques de tout bord ont joué avec la confiance des Français pour les résultats que l’on connaît aujourd’hui.

Peu importe l’échelon dans lequel nous siégeons, nous avons tous un rôle à jouer pour résorber le malaise actuel et rétablir la confiance. Cette confiance sera indispensable pour construire l’avenir de notre pays. Sachons donc nous montrer, chacun à notre niveau, à la hauteur des attentes exprimées par nos concitoyens.

Je vous remercie.