Organisons la révolte des territoires !

Discours de Guillaume Lepers, Président du groupe L’Avenir ensemble, lors de la session du 22 juin 2018.

 

Monsieur le Président,

Chers collègues,

Au regard de l’ordre du jour, j’ai bien peur, Monsieur le Président, que la session d’aujourd’hui, soit à nouveau bien morose. L’éclaircie – ou devrais-je dire « L’ESCLARIT » – que semblait apercevoir, lors de la dernière session, notre collègue, Marcel Calmette – grand visionnaire – tarde à s’imposer dans cette collectivité.

Heureusement – et je tiens à leur tirer mon chapeau ici – nous avons encore bon nombre d’acteurs lot-et-garonnais, entrepreneurs, artisans, commerçants, exploitants agricoles, associations, qui malgré nos déboires, malgré la diminution des aides départementales, malgré la baisse de l’investissement public, malgré les normes toujours plus contraignantes qui pèsent sur eux, continuent de s’engager et font avancer notre beau département. Des forces vives pleines d’enthousiasme, qui bien que bombardées de taxes et d’impôts, font vivre nos territoires.

Heureusement. Car, côté Conseil Départemental, nous vivons une situation sans précédent.

Bien évidemment, je pourrais revenir sur les nombreux avertissements exprimés, depuis 2015, par notre groupe. Je pourrais vous renouveler les diverses propositions que nous avons faites depuis plusieurs années dans le but d’atténuer les difficultés qui sont maintenant les nôtres.

Bien sûr, je pourrais vous rappeler ces temps où vous me traitiez de « menteur », de « pessimiste », période où, de toute évidence, notre groupe ne comprenait rien, alors que, malheureusement, nous avions raison.

Je pourrais vous reprocher votre gestion au fil de l’eau sans réelle prospective ou vos effets de manche, aussi adroits fussent-ils, visant à masquer les réelles difficultés que nous connaissons.

Or, Monsieur le Président, je n’en ferai rien. Nos divergences dans la gestion de cette collectivité sont bien réelles et je ne vous exonère pas de vos responsabilités, mais l’enjeu, aujourd’hui, est particulièrement important et mérite un tout autre niveau d’intervention.

En effet, après des mois de palabres, nous voilà maintenant réunis pour débattre du fameux « Pacte Financier » que nous impose l’Etat. Comme si les difficultés de gestion rencontrées par le Conseil Départemental ne suffisaient pas, l’Etat décide, à présent, de nous passer définitivement la corde au cou.

Votre discours public sur le sujet, Monsieur le Président, aura pourtant été, jusqu’au bout, des plus optimistes, un peu naïf je dirai même. Evidemment, il ne faut surtout pas inquiéter la presse ou les Lot-et-Garonnais. Mais votre mine déconfite lors de notre dernière commission de refondation il y a quelques jours en dit long sur la réalité : vous êtes désemparé et complètement désarmé face aux évènements… Vous n’avez plus la main sur la gestion de cette collectivité.

Pourtant, pendant un temps, nous avons tous eu espoir et je dois vous l’avouer, moi aussi, j’avais fini par y croire. J’ai cru, comme vous le marteliez si souvent, que vous arriveriez à peser sur les décisions parisiennes et que vous seriez en mesure d’obtenir des concessions de la part de l’Etat en faveur de nos territoires.

J’y ai cru quand, au début de ce mandat, vos « amis » socialistes étaient encore aux affaires. Nous comptions même un lot-et-garonnais parmi les secrétaires d’état du gouvernement, devenu par la suite Ministre d’Etat.

J’y ai cru quand, Président du Conseil Départemental et sénateur, vous avez décidé de prendre place au sein du bureau de l’Assemblée des Départements de France (ADF).

J’y ai cru quand, plusieurs mois plus tard, cette même assemblée a décidé de vous nommer responsable du groupe de travail sur les Départements ruraux.

Plus récemment, j’ai encore voulu y croire lorsque vous êtes parti à Paris, au beau milieu d’une commission permanente, rempli d’espoir, pour négocier une enveloppe à destination de nos départements ruraux.

Nous avons tous voulu croire, dans l’intérêt du territoire, que votre activité porterait ses fruits, et que vous réussiriez à faire entendre la voix des « ruraux ».

Or, finalement, il faut nous rendre à l’évidence, le résultat est bien mince. Même missionné par l’ADF, vos interventions n’ont rien changé. Vous n’avez, en vérité, aucune emprise sur les décisions parisiennes et la banderole à l’entrée de l’Hôtel du Département n’est que communication.

Les négociations, toutes ces années, n’ont abouti qu’au prolongement de maigres fonds d’urgence et à un accord, bien superflu, sur la prise en charge des mineurs non accompagnés (MNA). Moins de 250 000 euros pour le Lot-et-Garonne sur une dépense estimée à plus de 5,6 millions d’euros dans le domaine… autant dire, une goutte d’eau dans l’océan de nos dépenses sociales.

Pourtant nos ennuis ne font que s’aggraver. Et, aujourd’hui, l’Etat va plus loin.

Non content de ne pas assumer ses responsabilités financières en matière d’allocations individuelles de solidarité (AIS) et de prise en charge des mineurs non accompagnés (MNA), le gouvernement nous demande désormais de signer notre propre arrêt de mort : le Pacte Financier.

Sur le principe, je comprends évidemment la volonté du gouvernement de mettre en place une contractualisation avec les collectivités. Je ne remets d’ailleurs pas en cause la démarche en elle-même, mais la mise en œuvre et les critères retenus sont purement inacceptables !

Qui peut vraiment croire qu’avec une augmentation de la population proche de zéro le Lot-et-Garonne est un département bien doté ? Qui peut vraiment croire qu’avec un revenu moyen par habitant de 1000 € par mois le Lot-et-Garonne est un territoire encore trop riche pour bénéficier d’une bonification de critère ?

Le constat est pourtant celui-ci. La contractualisation proposée, sur des bases fixées unilatéralement par le gouvernement, est bien loin de nos réalités. Beaucoup de critères manquent à l’analyse.

Pourquoi, par exemple, l’Etat n’a-t-il pas pris en compte le niveau d’imposition appliqué dans les différents Départements pour ajuster ses plafonds ? Les efforts financiers des Lot-et-Garonnais ne méritent-ils pas d’être reconnus ?

Pourquoi le besoin en infrastructures de nos territoires, encore terriblement enclavés, ne serait-il pas un critère pertinent pour une bonification ?

L’ADF aurait d’ailleurs gagné à faire davantage de suggestions en ce sens.

Cette proposition de « Pacte Financier » est accablante et injuste. Qui peut accepter cela ? Quel élu local dans nos départements peut admettre une telle ingérence et un tel mépris pour nos territoires ruraux ?

Nous avons ensemble, en commission refondation, évoqué maintes propositions pour protester, allant de la grève générale à la démission collective… Or, de telles actions resteraient très lot-et-garonnaises et n’auraient finalement que peu d’impact. Il faut donc penser plus large. C’est pourquoi, j’en appelle au rassemblement des territoires ruraux.

Oui, Monsieur le Président, je vous le demande aujourd’hui : organisons la révolte des territoires ! Regroupons-nous et faisons front !

Les Maires du 47 réfléchissent déjà, à leur niveau, à cette idée, preuve en est la position du Président de l’Amicale des maires du Lot-et-Garonne qui a bien compris l’enjeu pour notre avenir et propose de refonder l’organisation et les missions de l’amicale pour en faire un organe plus offensif. Les Présidents des communautés de communes rurales aussi s’engagent dans ce combat et se structurent, considérant que le mépris de l’Etat comme de la Région a assez duré.

Ainsi, à l’instar des départements du Grand Est, je vous propose donc d’élargir la démarche et de tisser rapidement des liens avec l’ensemble des départements ruraux de la Région Nouvelle-Aquitaine afin de peser. Qu’attendez-vous, Monsieur le Président pour rencontrer les Président de la Vienne, de la Corrèze, des Deux-Sèvres ou encore de la Creuse qui connaissent des problématiques similaires aux nôtres ? Organisons des actions communes avec l’ensemble des espaces ruraux de France.

Nous sommes les territoires les plus pauvres et pourtant, aujourd’hui, complètement abandonnés. Depuis trop longtemps, nous nous laissons piétiner.

Est-ce à nous de payer pour des choix nationaux pour lesquels nous n’avons jamais eu notre mot à dire ? Est-ce à nous, Conseils Départementaux, de prendre en charge l’augmentation des dépenses pour l’accueil des jeunes migrants alors que l’Etat n’apporte aucune solution ? Est-ce à nous de palier à l’explosion des dépenses sociales tel que le RSA alors que rien n’est mis en œuvre pour lutter efficacement contre la précarisation de notre société ? Bien sûr, la solidarité nationale est essentielle, un des piliers de notre contrat social, mais est-ce véritablement à notre collectivité de payer ? Bien sûr que non.

Chers collègues, je suis convaincu du rôle moteur que doit jouer le Conseil Départemental en Lot-et-Garonne. Or, aujourd’hui, alors que nous étions déjà dans une mauvaise passe, voilà que l’Etat nous condamne. Notre groupe ne s’y résigne pas et, afin de protéger les Lot-et-Garonnais, nous n’accepterons pas de signer, en l’état, le pacte financier proposé.

Non seulement, on ne signera pas mais je vous propose d’organiser la révolte !

Il nous faut défendre nos territoires. Il nous faut défendre ses femmes et ses hommes qui, malgré les obstacles chaque jour plus grands, se battent quotidiennement pour qu’un département comme le Lot-et-Garonne continue de rayonner. Fiscalement matraqués, régulièrement bousculés, ils méritent que leurs élus fassent plus que jamais preuve de pragmatisme et luttent pour défendre leurs intérêts.

Monsieur le Président, la révolte gronde dans les territoires ! Le Département ne peut rester en retrait de cet élan. Alors, au delà des clivages, au nom d’un « Parti d’ici ! » que nous pourrions lancer, défendons ensemble les intérêts de la ruralité !

Je vous remercie.