Il nous faut redonner du sens à l’action publique !

Discours de Guillaume Lepers, Président du groupe L’Avenir ensemble, lors de la session du 23 novembre 2018.

 

« Monsieur le Président,

Chers collègues,

Permettez-moi, tout d’abord, de dire un mot sur la mobilisation qui s’est déroulée ces derniers jours. Que l’on soit pour ou contre cette mobilisation, le mouvement des « Gilets Jaunes » me semble être assez révélateur du malaise qui s’est installé ces dernières années dans notre pays, et plus généralement dans nos démocraties occidentales. Il traduit un profond mécontentement, une colère qui peu à peu gagne les esprits même les moins rebelles. Il est le cri de cette France périphérique éloignée des centres de décisions dont nous exprimons les difficultés depuis maintenant plusieurs années.

Cette France se sent délaissée par les gouvernements qui se succèdent. Elle est lassée des politiques publiques qui, loin de lui faciliter la vie, viennent alourdir toujours un peu plus les contraintes et les charges.

Cette France n’en peut plus de payer des taxes et des impôts en tout genre. Elle en a assez de renflouer des caisses dont les déficits ne cessent d’augmenter.

Cette France, ce sont des travailleurs modestes qui chaque matin se lèvent pour faire fonctionner l’économie de notre pays. Ce sont les classes moyennes de nos départements qui sont les premières victimes du système. Un système dans lequel ils ont l’impression de payer toujours plus d’impôts, pour toujours moins de services publics et toujours plus de tracasseries.

Les nouvelles contraintes imposées aux automobilistes ces derniers mois – abaissement de la vitesse à 80 km/h sur les routes secondaires, augmentation du prix du contrôle technique et maintenant hausse des taxes sur les carburants – ne sont malheureusement que des nouvelles illustrations de ces tracasseries et de ces charges supplémentaires qui pèsent sur cette France périphérique.

Malheureusement, les territoires ruraux sont les premiers impactés par ces politiques déconnectées des réalités de notre quotidien. Les contraintes, les impôts et les taxes se multiplient sans que jamais le « sommet » – comme aime s’appeler le Président de la République – ne se soucie de la « base ». Il faut donc s’interroger et comprendre ces femmes et ces hommes à bout de nerfs prêts à descendre dans les rues.

Malheureusement, le Département du Lot-et-Garonne a lui aussi une responsabilité dans cette situation et a contribué, en Lot-et-Garonne, à développer ce malaise. Nombreux sont ceux qui n’ont pas oublié l’augmentation de la fiscalité sur le foncier bâti votée l’an dernier par la majorité départementale. Cette hausse est venue allonger la longue liste des charges que les Lot-et-Garonnais doivent assumer au quotidien.

En Lot-et-Garonne, nous avions bien perçu ses problématiques et ce n’est pas faute d’avoir pointé du doigt cette fracture depuis maintenant plusieurs années. Il faut impérativement, aujourd’hui, que le gouvernement entende le message de cette France rurale car ce message est important et particulièrement significatif de ce qui se passe dans nos sociétés actuelles. Les révoltés d’aujourd’hui seront peut être les révolutionnaires de demain.

Face à ces réalités, en tant qu’élus locaux, nous nous devons, à mon sens, d’accompagner aux mieux nos concitoyens et de relayer encore davantage les problématiques rencontrées. Mais surtout nous nous devons de contribuer à leur redonner foi en l’action publique. Car c’est bien cela dont il est question : d’action publique et de consentement à l’impôt.

De nos jours, l’imposition et les taxations n’ont plus de sens aux yeux des citoyens. Que fait-on de l’argent prélevé ? A quoi servent les sommes ponctionnées ? Les français se sentent sans cesse rackettés sans savoir réellement pour quelles politiques publiques concrètes.

Pour ma part, je suis convaincu qu’à notre niveau nous pouvons participer à redonner un sens à tout cela. Nous nous devons de participer à la réconciliation et cela ne passera que par une gestion juste et une action exemplaire. Nous pouvons, à notre niveau, tenter de redonner un sens à l’imposition.

Donner un sens à l’imposition, Monsieur le Président, c’est certes valoriser la redistribution, comme vous le faites dans la toute dernière campagne de communication du Conseil Départemental, mais c’est surtout, montrer à nos concitoyens que cette répartition est équitable. Pour cela, il est indispensable de mettre en œuvre un système efficace et juste.

Donner un sens à l’imposition c’est également, pour chaque euro investi, apporter une plus-value à nos territoires. Il est vrai que les conditions ne sont pas évidentes pour notre Département de ce point de vue. Désarmé par votre loi NOTRe, plombé par les dépenses de fonctionnement, les marges de manœuvre sont faibles. Néanmoins, il nous faut reprendre notre place et redevenir un moteur essentiel du développement du territoire.

Sur cet aspect, je me réjouis de voir enfin le dossier du dédoublement de la RN21 faire un pas en avant. Je suis très satisfait que le Président de l’agglomération d’Agen, Jean Dionis, et vous-même, Monsieur le Président, ayez enfin fini par trouver un accord pour débloquer la situation sur les dossiers indispensables que sont la modernisation de la RN21, le pont et le barreau de Camélat et l’échangeur autoroutier Agen-Ouest. Ces projets sont essentiels au désenclavement du département. Il nous faut dépasser les égos et les guéguerres pour défendre ensemble l’intérêt du territoire et des Lot-et-Garonnais. Notre groupe est ravi que le message ait été entendu et que l’intérêt général l’emporte sur les « chicaneries » politiques.

Donner du sens à l’imposition c’est aussi se montrer pragmatique et innovant dans les politiques publiques mises en place. De ce point de vue, notre déplacement au congrès de l’ADF avec Pierre Chollet – et on vous remercie une nouvelle fois pour l’invitation Monsieur le Président – aura été riche d’enseignements. Que cela soit en matière de politique culturelle, en matière d’ingénierie territoriale ou encore d’action sociale, les exemples d’innovation ont été nombreux et variés. Servons-nous de ces exemples pour faire évoluer notre action en Lot-et-Garonne et développons de nouvelles pratiques pour plus d’efficacité et davantage d’adéquation avec les réalités actuelles. Le dispositif « RSA-Bénévolat » mis en place dans le Haut-Rhin et les politiques qui en découlent sont pour moi une référence de ce point de vue.

Donner du sens à l’imposition c’est également exiger un rééquilibrage entre les territoires de France. Alors que les discussions semblent aujourd’hui aller dans le sens d’une péréquation horizontale plus équitable entre les Départements les plus riches et ceux les plus pauvres, je voudrais souligner, sur le sujet, la position équilibrée de Dominique Bussereau, Président de l’Assemblée des Départements de France. Il a tenu a rappelé à tous les Présidents de Départements l’importance d’un renforcement de la péréquation horizontale et, une fois n’est pas coutume, je l’en remercie. De même, je suis très satisfait de l’engagement des trois Présidents d’associations. François Baroin pour l’Associations des Maires de France, Hervé Morin pour les Régions et Dominique Bussereau pour les Départements ont décidé de parler d’une même voix face au gouvernement. Nous ne pouvons que les encourager. L’Etat doit prendre ses responsabilités et prendre en charge la part financière des allocations individuelles de solidarité (AIS) qui lui revient. C’est en discussion aujourd’hui, nous souhaitons vivement que la situation se débloque en notre faveur.

Enfin, donner du sens à l’imposition, c’est être plus vigilant que jamais. Chaque euro d’argent public est, à nos yeux, un euro sacré. Il est le fruit du travail et de l’engagement de nos concitoyens. Il nous faut donc nous montrer à la hauteur de la responsabilité qui est la nôtre en la matière.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, à l’image des attentes exprimées par nos concitoyens, les enjeux à venir sont immenses. Nous avons, chacun à notre niveau, un rôle à jouer pour comprendre mais surtout défendre au mieux cette France périphérique. C’est tout l’engagement de notre groupe et ce doit être notre combat à tous, au quotidien, au service des Lot-et-Garonnais.

Je vous remercie. »