Discours de Guillaume Lepers pour la session budgétaire 2015

Discours de Guillaume Lepers lu par Clémence Brandolin-Robert lors de la session du 24 avril 2015.

Monsieur le Président,

Chers collègues,

Cette première session budgétaire de la mandature est marquée du sceau de l’inquiétude et de l’incertitude. Inquiétude quant aux finances du Département et à sa capacité à assumer ses fonctions dans les années à venir. Incertitude quant à la pérennité de ses compétences et de son rôle au service du territoire.

C’est pourquoi je suis persuadé que cette session budgétaire fera date, et qu’elle donnera le ton de nos échanges pour les six prochaines années. J’en suis persuadé parce que cette session va clairement révéler notre capacité à faire face aux défis qui nous attendent. Et parce que cette session marque aussi l’arrivée de nouveaux élus, et donc d’une nouvelle vision de notre institution et de son fonctionnement.

Ce renouvellement des élus départementaux. Ce rajeunissement de la classe politique que chacun, dans le discours, appelle de ses vœux, doit s’incarner dans cet hémicycle et dans les politiques départementales. Il doit accompagner les évolutions de notre collectivité en y portant un regard nouveau.

Or Monsieur le Président, ce n’est pas vous faire insulte que de vous rappeler que nous ne sommes pas de la même génération. Nous ne sommes pas de la même génération, et cette différence est beaucoup plus profonde qu’on ne pourrait le penser, tellement les choses vont vites aujourd’hui.

Ma génération n’a pas la même vision que vous de la politique. Elle ne se contente plus de belles paroles et de promesses périmées. Elle veut que du discours résultent des actes, et que le politique soit moins dans l’affichage que dans l’action. Elle veut une politique au service des gens, pas une politique au service d’un clan.

Ma génération, elle a aussi une autre façon de faire de la politique. Elle rejette le carriérisme politique, et préfère aux professionnels de la politique les professionnels qui font de la politique. Elle donne du crédit à la parole publique et ce méfie de la promesse comme du chéquier de campagne. Elle veut juste apporter des réponses concrètes aux besoins de nos concitoyens.

Voilà, Monsieur le Président, ce qui nous sépare. Voilà ce qui sépare cette génération de Français de ses représentants politiques. Et voilà le décalage qui pousse, nombre de ces jeunes Français, dans les bras du Front national.

C’est pourquoi notre assemblée, et votre exécutif, doit changer sa façon de penser et d’agir pour le département. En ayant toujours à l’esprit une question simple : notre action est-elle utile pour les Lot-et-Garonnais ?

C’est en somme un devoir de responsabilité et de lucidité qui s’imposent à nous. Des principes à l’aune desquels nous devons aborder cette session budgétaire. En analysant objectivement, majorité comme opposition, l’état de nos finances départementales.

Nous, élus de droite et du centre, restons évidemment très critiques à l’encontre de votre gestion financière au cours des sept dernières années. Explosion de la dette, chute de l’investissement et forte augmentation des charges de personnel. Inutile d’y revenir.

Je préfère regarder ce qui attend notre Département, cette année et au cours des années à venir. Et notre analyse n’appelle pas à l’optimisme.

Que constatons nous ? D’abord que les dépenses sociales progressent inexorablement du fait d’une – tout aussi inexorable – augmentation du chômage. Plus 6 % de bénéficiaires du RSA sur un an en Lot-et-Garonne. Cela représente une charge supplémentaire de 7,4 M€ pour la collectivité. Nous ne pourrons pas assumer la poursuite d’une telle progression.

Et c’est d’ailleurs au nom du principe de responsabilité, que j’évoquais plus tôt, que je me dois de rappeler l’échec de votre gouvernement dans la lutte contre le chômage. François Hollande avait fait de ce combat une priorité, c’est à nous d’assumer sa défaite en absorbant une nouvelle hausse de dépenses sociales.

Nous constatons ensuite, comme pour les autres collectivités, une baisse importante des dotations de l’Etat. Moins 4,6 M€ en 2014, c’est déjà porter un coup dur aux finances du Département. Mais cette réduction n’est qu’un début. Elle se poursuivra en 2016 et 2017, pour représenter, à terme, une baisse de 15,7 M€ pour le Lot-et-Garonne !

C’est une perspective dramatique pour notre collectivité, qui verra son budget de plus en plus contraint. Et je suis à ce titre plutôt étonné de voir que ceux qui manifestaient hier contre la perspective d’un simple gel des dotations, acceptent aujourd’hui sans broncher les coupes sombres qui leurs sont imposées.

Nous constatons enfin que vous ne prenez pas suffisamment la mesure de cette situation. Des choix, certes difficiles, sont à faire pour maintenir à flots le Département. Vous avez choisi, en 2013, de réduire de 20 % l’investissement. C’était un choix discutable mais vous l’avez fait. Or rien dans le budget 2015 ne permet d’anticiper la situation future de notre collectivité.

A la lecture de vos rapports, nous apprenons l’existence d’un “plan de réduction des dépenses de fonctionnement”. Si nous saluons évidemment cette initiative, que l’opposition a longtemps appelée de ses vœux, nous constatons aussi que les dépenses de fonctionnement continuent d’augmenter !

C’est pourtant l’objectif visé par votre gouvernement qui, en réduisant ses dotations aux collectivités, entend les faire participer (je cite) à “l’effort général de redressement des comptes publics”. Vous choisissez de ne pas participer en 2015 à la réduction des dépenses publiques, ce qui pourrait rendre notre situation d’autant plus difficile pour les années à venir.

Ces quelques constats justifient notre inquiétude, et suscitent également notre circonspection à l’égard de votre budget 2015. Ce projet de budget relève d’un équilibre financier précaire, caractérisé par des recettes exceptionnelles et l’impact pour l’instant limité des baisses de dotation.

En matière de recettes, nous bénéficions de la deuxième partie du canon prévu dans le cadre du BEA sur les casernes de gendarmerie. BEA qui, je le rappelle, fera gagner 6,75 M€ cette année au Département, mais lui fera perdre 22 M€ sur 25 ans.

Nous bénéficions également des dispositifs de péréquation mis en place par l’Etat, pérennisés par la loi de finances 2015, mais qui ne couvrirons pas, à termes, la baisse de ses dotations. De ce point de vue, on peut dire que l’Etat donne en partie d’une main ce qu’il reprend massivement de l’autre.

Vous parvenez donc à boucler le budget 2015, mais qu’en sera-t-il l’an prochain ? Sans recettes exceptionnelles, et avec la poursuite des baisses de dotations, comment allons nous financer le budget 2016 ? Il faudra, Monsieur le Président, que votre majorité fasse des choix. Et ces choix, ils sont au nombre de trois.

Premier choix : augmenter les impôts, en refaisant le coup de 2008. Mais le fardeau fiscal des Lot-et-Garonnais est déjà lourd, et vous avez promis dans votre programme électoral de ne pas augmenter la fiscalité. Je n’imagine évidemment pas votre majorité revenir sur une promesse de campagne !

Deuxième choix : réduire les dépenses d’investissement, qui ont déjà considérablement baissé en sept ans. Il faudrait alors renoncer à des projets d’infrastructure, cesser de soutenir les projets des collectivités, ce qui serait évidemment une catastrophe pour le territoire.

Troisième et dernier choix : réduire les dépenses de fonctionnement. C’est justement l’une de vos promesses de campagne : faire des économies en recentrant l’action du Département sur ses compétences obligatoires. Et si cette promesse ne s’applique manifestement pas au budget 2015, gageons qu’en 2016, vous engagerez une politique forte de réduction des charges de fonctionnement.

La question qui se posera alors, c’est celle que vous avez plusieurs fois posée aux élus d’opposition qui demandaient justement des baisses de dépenses : où comptez-vous faire des économies ? Quelles sont les compétences que vous comptez abandonner ?

Ce n’est pas une question rhétorique. C’est la vraie question que nous devons dès aujourd’hui nous poser, celle des fonctions que doit assurer notre collectivité. Une question qui, à mon sens, ne sera pas vraiment résolue par la loi NOTRe.

J’aimerais, Monsieur le Président, avoir sur ce sujet l’état de votre réflexion.

Pour revenir au budget 2015, je souhaite à présent évoquer le contenu des politiques départementales que vous nous présentez. Et je dois avouer ma perplexité devant l’absence totale de nouveauté et d’ambition. Au lieu de rapports volumineux, une présentation en quelques lignes aurait suffit à résumer vos projets pour 2015.

Le Center Parcs demeure l’alpha et l’oméga de la politique touristique du Département. Et outre le début du déploiement du très haut débit et la montée en débit du wimax – attendue depuis tant d’années – je note le soutien à l’installation de l’école Intech’Info et à l’extension d’Agrotec.

Vos projets pour 2015 s’arrêtent là, et rien de plus ne vient susciter notre enthousiasme.

Mais je dois avouer que notre réserve laisse place à la stupéfaction au moment d’aborder vos projets en matière d’infrastructures.

Le 23 janvier dernier, à deux mois du premier tour des départementales, vous annonciez le déblocage de 2,5 M€ pour inciter les collectivités à investir dans des projets d’infrastructures, et ainsi soutenir les entreprises du BTP. Or dans votre propre budget 2015, les investissements en infrastructures reculent de plus de 20 % !

Moins 6 millions d’euros d’investissements, voilà votre geste pour les entreprises du BTP ! Et voilà le mépris dans lequel vous tenez les petites collectivités, que vous avez généreusement incité à investir à la veille des élections.

Monsieur le Président, cette façon de faire de la politique, ce cynisme électoral, n’est plus aujourd’hui acceptable. Et je crois sincèrement que c’est aussi le message que nous font passer les Français en votant désormais massivement pour les extrêmes. Ce qui hélas, d’une certaine façon, vous permet aujourd’hui de garder l’exécutif départemental.

Voilà en quelques mots, chers collègues, l’analyse que nous livrons de ce projet budgétaire. Un projet de transition, qui n’anticipe en rien les difficultés à venir, et masque mal l’impotence de notre collectivité face à la situation économique et sociale du Lot-et-Garonne.

Elus départementaux. Honorés par la confiance des Lot-et-Garonnais. Nous avons un devoir de lucidité et d’honnêteté à l’égard de nos concitoyens. Je ne retrouve pas ces valeurs dans la présentation du budget 2015. Et je vous met en garde contre une procrastination qui pourrait rendre plus difficile encore notre adaptation aux nouvelles réalités économiques et budgétaires.

Notre groupe n’en demeure pas moins ouvert à la discussion. Nous sommes près à travailler, avec la majorité, sur l’évolution des compétences du Département et sur les économies à réaliser dans la perspective du budget 2016. Nous sommes près à travailler avec vous car seule nous préoccupe l’intérêt des Lot-et-Garonnais.

Mais ne nous demandez pas de cautionner un attentisme périlleux et des pirouettes électorales qui ne grandissent pas la politique.

Je vous remercie.

Photo : DR.