Discours D’Alain Merly lors de la session spéciale consacrée au redécoupage cantonal

Monsieur le Président,

Chers collègues,

Le débat républicain se nourrit de la divergence des points de vue ; s’il est souvent vif et passionné, il y a toutefois des sujets qui devraient appeler plus de sérénité, plus dialogue, à vrai dire, plus de consensus : le projet de redécoupage cantonal est de ceux-là, tellement il devrait dépasser les intérêts partisans évalués à court terme.

Force est de constater que vous n’avez pas su, pour ne pas dire pas voulu, créer les conditions d’un débat apaisé.

Nous ne contesterons pas la difficulté réelle à réaliser un tel découpage, qui doit tirer sa crédibilité de sa cohérence. Il doit prendre en compte l’identité des territoires, leur structure et leur évolution.

Comme l’a rappelé le Préfet, ce redécoupage cantonal n’échappait pas à cette règle de complexité. Il fallait respecter un certain nombre de critères, parmi lesquels l’équilibre démographique, le périmètre des anciens cantons et des intercommunalités, ainsi que les bassins de vie.

Mais avant de recevoir la nouvelle carte, nous ne pensions pas que vous oseriez vous livrer à une telle déstructuration des territoires, pour servir vos seuls intérêts électoraux. C’était mal vous connaître.

Je n’ai pas peur de le dire. Tant ce redécoupage cantonal, que la façon dont il est imposé aux Lot-et-Garonnais, symbolisent toute l’arrogance et le mépris dans lequel vous nous tenez.

Caricature de l’opposition d’abord, c’est une constante chez vous. Vous avez moqué notre demande de report, et vous nous avez traité de ringards.

Mais qui sont les plus ringards Monsieur le Président ?

Ceux qui défendent les valeurs républicaines, en refusant un redécoupage biaisé et partisan, et en demandant une véritable concertation ?

Ou ceux qui s’enferment dans leur petite cuisine électorale, refusant le dialogue pour mieux éviter les critiques.

Votre attitude à l’égard de l’opposition, Monsieur le Président, est une attitude anti-démocratique ! C’est cette autocratie teintée de suffisance que les Lot-et-Garonnais découvrent chaque jour un peu plus.

Car votre mépris, il s’exprime aussi vis-à-vis des électeurs, à qui vous voulez faire croire, avec un aplomb déconcertant, que cette carte a été dessinée par les instances parisiennes du ministère de l’Intérieur, et qu’il n’y a plus qu’à l’accepter comme telle.

De qui vous moquez-vous Monsieur le Président ?

Cette nouvelle carte cantonale, c’est vous qui l’avez dessinée. Et vos cris d’orfraie face aux accusations de charcutage ne trompent personne.

Vous avez privilégié vos intérêts politiques contre la logique des territoires, prenant les citoyens en otages de vos arrangements électoraux.

Quelle logique y a-t-il dans l’éclatement des intercommunalités et la fracturation des bassins de vies, sinon celle de favoriser à chaque fois la gauche ?

Cessez de prendre les Lot-et-Garonnais pour des imbéciles, et assumez les choix politiques qui ont présidé à ce redécoupage !

Car le découpage que vous avez opéré, Monsieur le Président, il s’est fait sous le seul prisme des élections cantonales de 2015. Une vision électoraliste de court terme qui va à l’encontre de l’intérêt général.

Mépris, enfin, des élus du département, à qui vous avez refusé toute concertation, de peur d’avoir à expliquer les vraies logiques de ce redécoupage.

« Concertation », un mot que vous avez toujours eu à la bouche, Monsieur le Président, et que vous êtes aujourd’hui incapable d’appliquer à un sujet aussi important pour le département.

Et je ne parle pas des quelques consultations de façade opérées par le Préfet. Je parle d’une véritable concertation, organisée par le Conseil général, sur la proposition de carte cantonale transmise fin septembre.

C’est tout de même la moindre des choses, lorsqu’on s’apprête à bouleverser les équilibres territoriaux du département !

C’est la raison qui nous a poussé à organiser nous-mêmes cette concertation.

Nous avons demandé un report de cette session pour laisser le temps aux maires du département de s’exprimer à l’occasion de plusieurs réunions.

Nous avons réclamé un report de seulement deux semaines pour que cette concertation ait lieu, en respectant le délai de six semaines donné au Conseil général pour rendre son avis.

Vous nous avez refusé ce délai, et vous nous avez dit que, selon votre expression, l’opposition « se réveillait tardivement ».

Mais Monsieur le Président, nous ne nous réveillons pas tardivement, c’est seulement vous qui avez essayé de nous endormir !

Maintes fois nous avons demandé une discussion sereine sur ce redécoupage, vous nous avez répondu que la  nouvelle carte viendrait de Paris. Que personne n’avait son mot à dire. Et qu’il suffisait à l’assemblée départementale de dire oui ou non.

La vérité Monsieur le Président, c’est que ce redécoupage a été fait en catimini, peut-être même en excluant certains membres de la majorité !

Alors vous n’avez de cesse, pour vous défendre, de vanter la modernité apportée par cette réforme territoriale. Mais de quelle modernité parlez-vous ?

La parité est un enjeu important, certes, mais c’est un paravent facile aux insuffisances d’une loi incompréhensible et rétrograde, qui contrairement à vos affirmations, tourne le dos à la modernité.

Où est la modernité quand on revient sur la synergie département-région prévue dans la réforme de 2010 ? Et où est la logique quand on augmente le nombre d’élus, alors qu’en même temps, on demande aux collectivités de faire des économies ? C’est un non-sens total !

Non Monsieur le Président, cette réforme n’est pas une avancée, c’est un recul par rapport à celle initiée par Nicolas Sarkozy en 2010 et qui portait, elle, une vraie modernisation des collectivités locales.

Alors nous voici aujourd’hui réunis pour mettre en œuvre une réforme irrationnelle, et délibérer sur une carte partisane, illogique, et qui n’a fait l’objet d’aucune concertation.

Vous n’allez pas manquer de ressortir votre refrain habituel, en qualifiant l’opposition de démagogique et politicienne. Vous allez prendre les habits de victime d’une polémique que vous avez vous-même suscitée en jouant les apprentis sorciers électoraux.

Ne vous en déplaise, Monsieur le Président, notre indignation est sincère. Elle est à la hauteur de notre déception.

Nous espérions que l’intérêt supérieur des Lot-et-Garonnais guiderait vos ciseaux.

Nous pensions que la prise en compte de vos intérêts politiques, certes de bonne guerre, eut été limitée par la nécessité de ne pas rompre la dynamique des territoires.

Il n’en est rien.

C’est pourquoi je m’interroge. La minutie avec laquelle vous avez préparé cette carte, ne trahit-elle pas une profonde inquiétude à l’approche des échéances électorales ?

Que craignez-vous ? Que les Lot-et-Garonnais se rendent compte de l’indigence de votre politique ? Qu’ils constatent que vous n’avez rien fait de concret, depuis 2008, qui rende le département attractif et dynamique ?

Votre bilan est un boulet trop lourd qui vous contraint à des subterfuges électoraux.

Sachez-le Monsieur le Président, ces petits arrangements entre amis ne trompent personne. Ils sont le symbole d’une majorité qui se cramponne à ses terres d’élection comme Harpagon et sa cassette.

Pour conclure, Monsieur le Président, je vous le demande une dernière fois, et je le fais solennellement. Prenons le temps de la réflexion et de la discussion.

Prenons le temps de travailler ensemble, majorité et opposition, en associant les élus du département, pour proposer un redécoupage responsable. Une carte qui fasse fi des intérêts politiques pour se concentrer sur ce qui fait sens : l’avenir de nos territoires et de leurs habitants.

L’avis du Conseil général n’est certes que consultatif, mais qui pourrait nier le poids d’un projet trans-partisan, qui ait pour seul critère l’intérêt général.

En conséquence, Monsieur le Président, je vous demande une nouvelle fois de reporter le vote de cet avis et d’organiser une véritable concertation.

Les élus de cette assemblée, la politique et le Lot-et-Garonne n’en sortiront que grandis.

Je vous remercie.