Budget 2017 : la « lâcheté institutionnelle » du gouvernement

Le discours prononcé par Guillaume Lepers lors de la session du 3 avril 2017 consacrée au budget primitif 2017 :

Monsieur le Président,

Chers collègues,

Nous vivons aujourd’hui un moment historique. Pour la première fois, nous nous apprêtons à nous prononcer sur un budget manifestement insincère. Pour la première fois nous allons contrevenir à un principe fondamental du droit français, qui devrait normalement nous valoir une mise sous tutelle du préfet.

C’est un acte fort, mais pas un acte politique. Un acte politique aurait consisté à voter délibérément un budget insincère pour marquer notre désaccord avec la politique du gouvernement, comme nous le proposions l’an dernier. A cette époque, il s’agissait de dénoncer l’asphyxie programmée, et désormais effective, d’une majorité de départements.

Aujourd’hui, il n’en est rien. Si vous nous proposez un budget insincère, ce n’est pas en guise de contestation que vous le faites. Vous le faites parce que vous êtes dans l’incapacité d’équilibrer le budget du Département.

Au final, entre voter un budget déséquilibré ou voter un budget insincère, vous choisissez le budget insincère.

Alors Monsieur le Président, comme lors de la dernière session vous me reprochiez de ne pas rappeler votre responsabilité dans cette situation, j’en fais un rapide constat.

Outre l’absence d’anticipation, caractérisé par une progression des embauches en 2015, nous ne constatons pas dans votre budget de nouvelles mesures d’économies. Encore une fois, nous participons à la commission de refondation des politiques départementales et nous attendons encore qu’elle serve à autre chose qu’un paravent à vos propres insuffisances.

Vous proposez pour 2017 une hausse de 3,9 % des charges de personnel, justifiée selon vous par des mesures nationales. Or dans les départements ayant déjà voté leur budget, les charges de personnel progressent en moyenne de 1 %. Certains départements, comme le Cher, la Somme ou le Loiret, parviennent même à réduire leurs dépenses de personnel. Cet écart impose des explications.

Mais surtout, vous continuez à attendre l’aumône du gouvernement, qui viendrait sauver in extremis des départements à la dérive. Et j’en arrive logiquement à la responsabilité très forte que porte le gouvernement actuel dans cette situation, et que nous connaissons tous.

J’avais employé ici l’expression de « maltraitance institutionnelle » ce que, pour des raisons politiques, vous aviez contesté. Cette maltraitance a pourtant bien existé au cours des cinq dernières années. Comment autrement qualifier la réduction de 15,5 M€ de notre DGF depuis 2013, à laquelle s’ajoute cette année la baisse des compensations d’exonérations fiscales ?

Comment qualifier le dépeçage des compétences du Département par la loi NOTRe, que vous avez soutenue Monsieur le Président, et qui réduit considérablement notre champ d’action ?

Mais j’irai aujourd’hui plus loin et parlerai de « lâcheté institutionnelle » ! Car depuis l’échec des négociations sur la recentralisation du RSA l’an dernier, le gouvernement n’a pas levé le petit doigt pour aider les départements à s’en sortir.

Alors que les départements, qui assument un rôle déterminant dans le domaine de l’action sociale et de la solidarité, se trouvent à bout de forces, ce gouvernement – un gouvernement socialiste qui plus est ! – choisit de ne rien faire en attendant le résultat de l’élection présidentielle.

Il choisit d’attendre pour refiler la patate chaude au prochain gouvernement. C’est cela que j’appelle de la lâcheté institutionnelle !

Cette attitude est totalement irresponsable. Parce que lorsqu’on est aux responsabilités, on assume ces responsabilités jusqu’au bout. C’est justement ce que ne fait pas le gouvernement que vous soutenez, et je tiens ici à le dénoncer.

Mais puisque nous ne pouvons plus compter sur le gouvernement – puisque le fait d’avoir un président-sénateur, d’avoir un Lot-et-Garonnais membre du gouvernement et d’avoir pris ici des positions à l’unanimité – n’a servi à rien, parlons à présent de l’étape d’après.

La très grande majorité des candidats à la présidentielle reconnaissent le rôle essentiel joué par les départements dans l’action sociale. Tous reconnaissent aussi son rôle d’échelon intermédiaire de proximité, pour assurer les solidarités territoriales. Et donc tous promettent de maintenir les départements.

A l’instar de nos concitoyens, nous savons tous ce que valent certaines promesses de campagne. Pour rappel, François Hollande avait promis, en 2014, de préserver les départements, avant d’annoncer leur suppression deux mois après.

Mais quel que soit le candidat que nous soutenons pour la présidentielle, nous devons avoir l’honnêteté de reconnaître qu’aucun ne propose de solution claire sur le financement des départements. Tous reconnaissent l’utilité de notre collectivité, mais aucun ne dit clairement comment seront financés ses compétences dans l’avenir.

Je crois que nous devons tirer de cette situation une conclusion : nous devons apprendre à nous débrouiller tout seul. Nous devons arrêter de compter sur l’aumône de l’Etat, sur des sparadraps financiers plus ou moins durables qui sont venus alimenter artificiellement notre budget au cours des dernières années.

Se débrouiller tout seul, cela veut dire très clairement revoir notre fonctionnement et le périmètre de nos interventions.

Oui, il faut avoir le courage de le dire, et arrêter de masquer cette réalité par des pirouettes de communication.

Nous ne pouvons pas avoir plus de dépenses que de recette, c’est mathématique, et la seule solution, si l’Etat ne crée pas de ressources pérennes, c’est d’abandonner certaines de nos actions.

Mais pour être accepté, ce travail doit se faire dans la concertation, dans la transparence, avec l’ensemble des forces politiques de cette assemblée et des acteurs concernés. Ce que vous n’avez pas fait jusqu’à présent, puisque ni l’opposition, ni les maires, n’ont été associés aux choix des régimes supprimés l’an dernier.

Quelles sont les compétences que nous pouvons encore assumer ? Quelles sont les compétences que nous devons encore assumer ? Telles seront les questions qui se poseront à nous dans les prochains mois.

« On ne peut répondre de son courage quand on n’a jamais été dans le péril » a écrit La Rochefoucauld. Nous sommes à présent au pied du mur, nous allons voir si vous avez du courage.

Photo : © XC – CG 47