2018 sera l’année du plongeon

Discours de Guillaume Lepers, Président du groupe L’Avenir ensemble, lors du débat d’orientation budgétaire du 26 février 2018.

Monsieur le Président,

Chers collègues,

Nous l’avons bien compris, l’essentiel des éléments de langage de la majorité, en ce début d’année, se résume en un mot : le « rebond ». Mais parce que l’utilisation de ce terme, dans la situation où nous sommes, me paraissait particulièrement incongrue, j’ai cherché dans mon dictionnaire la définition du mot « rebond ». Je vous la livre : « mouvement non amorti que fait un objet après avoir heurté un obstacle ».

L’obstacle, chers collègues, nous l’avons heurté l’an dernier et nous nous trouvons désormais au beau milieu du naufrage. C’est la raison pour laquelle, Monsieur le Président, plutôt que le rebond, il serait plus judicieux d’affirmer que l’année 2018 sera l’année du plongeon.

Pas sur le plan financier, non. Sur ce point notre situation est moins dramatique. Et nous savons tous à quoi nous le devons : une hausse de 20 % de la part départementale de la taxe foncière. Une hausse de fiscalité qui pèse considérablement sur le pouvoir d’achat des Lot-et-Garonnais, et que, je vous le garantis, ils n’ont toujours pas avalée.

Non, cette année 2018, sera l’année du plongeon du Département dans le quotidien des Lot-et-Garonnais. Parce que le Département n’a plus les moyens d’assumer ses compétences.

Il n’a plus les moyens de moderniser les routes, puisque notre investissement sera maintenu à l’étiage dans ce domaine.

Il n’a plus les moyens de financer les pompiers, puisque la progression de notre participation financière au SDIS sera réduite, en 2019, au-delà de ce que demandait la Chambre régionale des comptes.

Il n’a plus les moyens d’assurer son action en matière de lecture publique, qui est quand même une compétence obligatoire.

Il n’a plus les moyens d’assumer sa politique culturelle puisque, non seulement nous allons passer de cinq à trois nuits d’été, mais aussi, et nous l’avons appris récemment, parce que vos services appellent des associations pour leur demander de renoncer aux subventions qui leur ont été accordées ! Sans même que les conseillers départementaux en soient informés d’ailleurs.

Il n’a plus les moyens d’aider les communes rurales, et là aussi, nous apprenions récemment que vos directeurs appellent des maires pour leurs demander d’étaler le versement de leurs subventions.

Mais il y a pire ! Les Conseillers départementaux d’opposition ont appris, samedi dans la presse, que le Département renonçait tout simplement à des projets d’infrastructures aussi essentiels que le doublement de la RN 21, Camélat, le pont du Mas-d’Agenais et la rocade de Marmande. Mais aussi les casernes de gendarmerie de Tonneins, Fumel et Laplume !

Monsieur le Président, au-delà du seul mépris des élus d’opposition, avez-vous bien mesuré la portée de cette annonce ? Avez-vous bien mesuré les conséquences sur les Lot-et-Garonnais ?

Sans le doublement de la RN 21 et le pont de Camélat, le désenclavement de Villeneuve ne sera jamais une réalité. Sans le pont du Mas d’Agenais, comment feront les agriculteurs, les professionnels du secteur, qui ont fait jusque-là le dos rond en espérant des travaux rapides ? Et à Marmande, que dire aux habitants qui espèrent le bouclage de la déviation depuis plusieurs années ?

Monsieur le Président, avez-vous parlé avec les entreprises, les habitants, les élus, concernés par ces projets, qui les voient tout d’un coup s’écrouler. Les avez-vous avertis qu’il ne fallait plus plus compter sur le Département ?

Et avez-vous mesuré l’impact sur l’attractivité du territoire, pour des entreprises qui ont besoin d’infrastructures performantes et d’accès rapides aux axes de circulation. Je connais bien le monde de l’entreprise et je peux vous dire que c’est une véritable catastrophe pour le Lot-et-Garonne !

Mais les conséquences de ces annonces, elles pèsent également sur la collectivité départementale. Monsieur le Président, vous avez pris des engagements, signés, sur la RN 21 et le barreau de Camélat. Vous avez engagé le Département avec les agglos, sur le financement de ces projets, dont les études sont commencées. Quid de ces engagements ? Quel impact à l’égard de nos partenaires ?

Et surtout, quelle sera la valeur de notre parole quand, après nous être rétracté sur le financement de la LGV, avec les conséquences financières que l’on sait, nous nous retirons de projets qui concernent notre propre territoire ? Après avoir perdu la confiance des communes, nous allons perdre la confiance des agglos, qui sont nos principaux partenaires !

Alors Monsieur le Président, après avoir exposé tout cela, dites moi où vous voyez un rebond ? Dites moi sur quels éléments vous fondez votre analyse pour nous expliquer que cette année sera l’année du rebond. Ce rebond, on ne le voit nulle part. Ce rebond il est seulement dans votre bouche Monsieur le Président !

Et c’est bien là tout le problème. Celui de l’incohérence entre votre discours et la réalité. Car au-delà de ce rebond ridicule, il y a toutes les promesses que vous faites depuis des années et qui tombent à l’eau les unes après les autres.

En 2014, à quelques mois des élections départementales, vous êtes allé dire aux habitants du Mas d’Agenais que le pont serait construit d’ici 4 ans.

Il y a quelques mois, vous êtes allé dire aux maires, que le Département allait à nouveau les aider. Ce ne sera pas le cas cette année, et vous promettez une contractualisation en 2019 qui ne verra jamais le jour.

Et combien de fois, Monsieur le Président, m’avez-vous traité de pessimiste quand je prédisais très exactement les faits qui sont en train de se produire !

Mais vous continuez à communiquer. Vous continuez à dire que le Département est puissant, qu’il peut tout, qu’il est le premier partenaire des communes, qu’il est le premier investisseur. Et si vous commencez à faire des économies sur certaines de nos politiques, la politique de communication, elle, n’est pas encore au régime sec.

Votre campagne sur l’opération « Du 47 dans nos assiettes » constitue un monument d’hypocrisie. Voilà une idée intéressante, qui porte ses fruits puisqu’elle permet de mieux nourrir nos enfants, de privilégier l’approvisionnement local et en plus, de faire des économies. C’est bien, mais on ne peut pas dire qu’il s’agisse d’un enjeu stratégique pour notre territoire. En tout cas, pas aussi important que les grands projets d’infrastructures.

Pourtant vous avez lancé une campagne de communication démesurée sur cette opération ! Savez-vous, Monsieur le Président, combien coûte un supplément quatre pages dans le journal Sud-Ouest ? Autour de 3 000 €. Mais il y a plus. Il y a le site internet dédié, les annonces à la radio, les affiches quatre par trois, les annonces sur les répondeurs du Département, etc.

Mais tout cela pour quoi ? Quel est le but de cette campagne publicitaire ? Faire manger nos enfants à la cantine ? Il n’était pas besoin d’engager toutes ces dépenses. Non, j’ai bien le sentiment que cette campagne publicitaire, elle vise avant tout à faire la promotion du président et de sa majorité.

Elle vise à restaurer un tant soit peu la crédibilité d’un exécutif qui, à bien à des égards, n’est plus sérieux aux yeux des Lot-et-Garonnais.

Monsieur le Président, comprenez-moi bien, le reproche que je vous fait, ce n’est pas de subir les renoncements des gouvernements successifs sur les finances des Départements. Ce n’est pas de faire des économies sur nos politiques, parce que nous les demandons depuis des années.

Ce que je vous reproche, c’est cette incohérence, ce décalage entre la parole et les actes, qui se manifeste de façon éclatante dans l’exemple que je viens de citer. D’un côté vous communiquez à outrance sur des actions, certes positives, mais qui ont moins d’importance. De l’autre, vous renoncez à des politiques, à des projets, essentiels au quotidien des Lot-et-Garonnais.

Et c’est bien là finalement le cœur du problème. Comment pouvons-nous encore agir pour améliorer la vie de nos concitoyens ? Comment pouvons-nous le faire si nous n’avons plus les moyens de financer nos politiques ?

Et fatalement se pose une question fondamentale : servons-nous encore à quelque chose ? Le Département a-t-il encore une utilité ?

Nos amis parisiens, à droite comme à gauche, ont depuis longtemps trouvé la réponse à cette question. Mais ils n’ont pas eu le courage de porter le coup de grâce et nous laissent tranquillement nous asphyxier jusqu’à la mort.

On peut voter des motions, déployer des banderoles, annoncer un « plan Marshall » pour la ruralité. Tout ça n’a eu pour l’instant aucune conséquence sur notre situation, si ce n’est cette obole de trois millions d’euros accordée généreusement en fin d’année dernière.

Alors que faire ? D’abord faire preuve d’un peu d’humilité. Arrêter cette auto-promotion en total décalage avec la réalité, et parler concrètement aux Lot-et-Garonnais. Pour qu’ils se disent enfin que la langue de bois n’est plus la deuxième langue vivante obligatoire du politique.

Ensuite, continuer de faire entendre notre voix, dans le cadre de l’ADF notamment, pour obtenir une nouvelle négociation avec le gouvernement sur la renationalisation du RSA. C’est un enjeu essentiel pour espérer des jours meilleurs.

Et puis mieux gérer le Département. Et à ce titre, je vous invite, une nouvelle fois, à nous communiquer des données précises sur la gestion de la collectivité : le résultat du contrôle de gestion, un audit de nos politiques, un audit des structures subventionnées, pour que nous puissions fonder nos décisions sur de véritables critères de performance.

Il faut continuer à faire des économies, mais il faut le faire avec discernement, en mesurant bien la porter de chacune de nos décisions.

En cela, la commission de refondation des politiques départementales n’a pas porté ses fruits, puisque ses préconisations n’ont jamais été suivies, et que les décisions ont été prises en dehors. Cette commission n’a jamais permis une véritable concertation sur les politiques départementales, et c’est la raison pour laquelle nous n’y siégerons plus. Ce débat devra désormais avoir lieu en session, avec l’ensemble des élus départementaux.

Monsieur le Président, chers collègues, je finirai très simplement en vous disant que la situation du Département est grave. Elle justifie la colère de nos concitoyens et celle logique de nos partenaires institutionnels. Elle appelle aussi de notre part, plus que des palabres et des paroles en l’air, un discours de vérité sur l’avenir de nos politique et de nos projets.

Je vous remercie.

 

Crédits photos : XC – Conseil départemental