« Nous devons être à la hauteur des responsabilités qui nous sont confiées »

Discours de Guillaume Lepers lors de la session DM2 du Conseil départemental, le 18 novembre 2016.

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs,

Chers collègues,

Je souhaite tout d’abord avoir une pensée pour les victimes des attentats du 13 novembre 2015. Ce funeste anniversaire a été commémoré il y a quelques jours, et je veux évidemment associer tous les élus du groupe à l’hommage que nous rendons aux victimes, aux blessés et à tous ceux dont la vie a basculé ce soir du 13 novembre 2015.

C’est également par un autre sujet d’actualité que je veux introduire mon intervention : l’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis. A l’instar de nombreux observateurs, j’estime que, dans la lignée du Brexit, cette élection doit une nouvelle fois nous donner à réfléchir sur notre propre démocratie et notre pratique du politique.

Les électeurs britanniques et américains ont clairement exprimé une colère, une défiance à l’égard de leurs responsables politiques. Certes, cette défiance n’est pas nouvelle, mais ce qui est nouveau, c’est son ampleur, sa force, désormais capable de renverser l’ordre établi.

Ne croyons pas que la France est à l’abris de tels événements ! Ne croyons pas non plus que, nous élus, n’avons rien à voir avec cette évolution.

Ces avertissements s’adressent aussi à nous, élus locaux comme nationaux. Nous devons être à la hauteur des responsabilités qui nous sont confiées. Cela implique évidemment d’agir toujours dans l’intérêt général. Cela implique aussi l’intégrité et l’honnêteté, dans nos paroles comme dans nos actes, pour que la politique ne soit plus l’exutoire de nos colères et de nos peurs.

Vous aurez sans doute une autre appréciation Monsieur le Président, mais sachez que nous nous efforçons, avec mes collègues de l’opposition, d’être à la hauteur de nos responsabilités. Une opposition, qui s’oppose certes, mais qui se veut constructive et réaliste, comme vous aurez pu le constater au quotidien dans le travail des commissions.

Alors oui, nous avons des désaccords. Toujours les mêmes. Et il faut que vous acceptiez que nous ayons des désaccords, parce que c’est aussi cela la démocratie. Je les évoque succinctement.

Nous ne sommes pas d’accord avec votre gestion de la collectivité et avec le bilan que vous affichez. Vous mettez en avant vos ratios en termes de charges de personnels. C’est le seul ratio que vous pouvez mettre en avant, parce que sur tous les autres ça ne va pas : nous investissons moins que la moyenne de la strate, et pourtant nous empruntons plus, notre dette est plus élevée et notre capacité d’autofinancement est moins bonne que la moyenne de la strate !

Nous ne sommes pas d’accord avec votre méthode, parce que vous revendiquez une méthode de concertation que, dans les faits, vous n’appliquez pas. L’exemple flagrant en est la révision des régimes d’aide : nous vous avons proposé, à plusieurs reprises, de travailler ensemble sur la révision de ces régimes. Mais vous avez fait cela dans votre coin, sans nous demander notre avis. C’est dommage parce que, sur la suppression de régimes aussi importants pour nos territoires que l’aide aux bâtiments communaux, l’aide à la voirie communale, l’aide à l’informatisation des écoles, ou encore l’aide à l’encadrement des accueils de loisirs, nous aurions eu notre mot à dire.

Nous ne sommes pas d’accord, enfin, avec la réduction constante de l’investissement. Nous sommes passés de 82 millions d’euros en 2008 à 52 millions en 2015. Pour la seule voirie départementale, la descente est vertigineuse : 40 millions d’euros en 2008, moins de 16 millions cette année. Vous nous direz que l’année 2008 était une année exceptionnelle. D’accord, mais avouez que la baisse est plutôt rude. Et elle continue en 2016 : – 26 % au budget primitif, malgré l’engagement sur lequel nous nous étions accordés de ne pas toucher à l’investissement.

Voilà les principaux désaccords que nous avons. Ils sont connus, je les ai simplement rappelés. Inutile d’y revenir sinon pour alimenter les guerres picrocholines qui n’intéressent que nous.

Aussi je voudrais surtout m’attarder sur trois sujets qui ne sont pas, à mon sens, des sujets polémiques, mais qui intéressent directement l’avenir de notre collectivité et sa capacité à remplir ses missions au service de nos concitoyens.

Le premier sujet, c’est l’avenir financier du Département. Vous connaissez tous notre situation financière, vous savez tous qu’au reste à charge des dépenses sociales, qui n’a cessé de progresser ces dernières années, s’est ajoutée la baisse des dotations de l’Etat.

Or en dépit de notre dénonciation unanime, en dépit de vos lamentations Monsieur le Président, le gouvernement continue d’affaiblir les finances des départements.

Suite à l’échec des négociations entre l’Association des Départements de France et le gouvernement sur la renationalisation du RSA, le gouvernement a justement décidé d’une hausse de 2 % du RSA au 1er septembre 2016, sans aucune concertation avec les départements. Si, bien sûr, augmenter les minima sociaux est une bonne chose pour nos concitoyens les plus fragiles, c’est une nouvelle fois aux départements de payer pour les décisions du gouvernement. Ce qui a fait dire, à juste titre, au président de l’ADF que le gouvernement signait « des chèques en bois avec le chéquier des départements ».

L’autre coup porté récemment aux finances des départements, il se trouve à l’article 14 du projet de loi de finances 2017. En 2016, le gouvernement a décidé d’alléger la fiscalité locale des personnes à revenus modeste. L’Etat compensait financièrement ces allégements pour que les collectivités n’aient pas en supporter le coût. Et bien dans le projet de loi de finances, le gouvernement supprime tout simplement ces compensations. Il choisit de baisser les impôts et c’est aux collectivités de payer !

Coût de l’opération : 500 M€ de plus à la charge des collectivités. Cette manipulation a été dénoncée par toutes les associations d’élus.

A ce titre, la seule réduction de la Dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP), prévue au même article, coûtera 200 M€ aux seuls départements !

Enfin, tout cela s’ajoute aux 2,6 Mds€ de baisse de dotation que devront encore supporter les collectivités en 2017.

Je l’ai déjà dit dans cet hémicycle, mais cette phrase n’a jamais été autant d’actualité : on voudrait tuer les départements qu’on ne s’y prendrait pas autrement ! C’est de la maltraitance envers les collectivités, et cette maltraitance doit être dénoncée. C’est le sens de la motion que nous avons déposée en début de séance et que, je l’espère, vous approuverez.

Mais à ce titre, Monsieur le Président, nous aimerions vous entendre un peu plus sur ce projet de loi de finances qui risque encore de nous enfoncer. Nous aimerions également connaître l’issue de votre entretien avec le Premier ministre, et celle de votre demande, relayée dans la presse, d’une enveloppe de 20 M€ adressée à l’Etat. Les dispositions du projet de loi de finances que je viens d’évoquer nous laisse penser que vous n’avez pas été entendu.

J’en viens au second sujet que je souhaitais traiter dans mon intervention : les transferts de compétences entre le Département et la Région. Les simples conseillers départementaux que nous sommes regardent avec circonspection ces transferts. Parce que nous avons l’impression qu’un an après, rien n’est encore réglé et que le flou est encore total.

Le Schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation (SRDEII), qui doit fixer les grandes lignes de l’action régionale et de notre coopération en matière économique devrait être adopté courant décembre.

Mais pendant ce temps, la Région n’a pas pris le relais du Département sur le terrain. Et ce sont évidemment les entreprises et les porteurs de projets qui pâtissent actuellement de ce vide administratif.

Parce qu’une fois le SRDEII adopté, il faudra aussi le temps de mettre en place les nouveaux régimes et les conventions entre la Région et le Département pour définir nos cadres d’intervention respectifs.

Que de temps perdu pour le développement économique du Lot-et-Garonne !

Il faudra donc que ce schéma soit adopté sans retard, et que nous mettions très rapidement en place les nouveaux mécanismes qui permettront d’accompagner la création d’emploi et de richesse sur le territoire.

Enfin, le troisième sujet que je souhaitais aborder, et qui me semble lié aux deux premiers, concerne la gestion des ressources humaines du Département.

Monsieur le Président, nous sommes inquiets. Inquiets parce que nous sommes de plus en plus informés, et même souvent interpelés directement par des agents, sur leurs conditions de travail.

Conséquence directe des réductions de moyens et des retraits de compétences, certains services n’ont simplement plus de travail. D’autres au contraire sont débordés, notamment dans le domaine de l’action sociale, cœur de compétence du Département.

Ces déséquilibres au sein de l’administration départementale créent des tensions, des frustrations, voire des injustices et des inégalités. Et ce sont ces sentiments qui reviennent souvent dans la bouche des agents.

Des sentiments auxquels s’ajoutent des perspectives professionnelles brouillées par les interrogations, sur les transferts de compétences comme sur l’avenir même de la collectivité.

L’autre aspect du problème, c’est l’architecture de l’administration départementale. Nous l’avions évoqué précédent et cette préoccupation se vérifie : il y a trop de cadres dans notre collectivité. Et cette multiplication des chefs et des sous-chefs est un facteur supplémentaire de tension pour les agents. Certains se mettent en arrêt maladie, d’autres nous parlent même de harcèlement moral.

Je ne reviendrai pas sur la nature de ces nominations, qui nous semblent contestables, mais les nombreux témoignages qui nous reviennent font état d’un vrai problème en la matière.

Alors, vous nous direz sans doute que tout va bien, que vous n’avez pas de telles remontées ou encore que ce sont des cas isolés. Mais, de grâce, ne faisons pas l’autruche sur ces questions.

A ce titre, le récent rapport annuel du médecin de prévention est éloquent : il a reçu plus de 200 agents pour des questions de mal-être au travail. 200 agents sur environ 1 200, avouez qu’il y a un problème !

C’est pourquoi, Monsieur le Président, nous vous demandons de faire réaliser un audit externe sur la gestion des ressources humaines du Département. Cela constitue une dépense supplémentaire, c’est vrai, mais cela aura au moins le mérite de nous éclairer sur la situation actuelle, et donnera des pistes de changement.

Voilà mes chers collègues les sujets que je souhaitais aborder en introduction de cette session. Je ne reviendrai pas sur la décision modificative. Il n’est question que d’ajustements qui ne modifient, malheureusement, en rien votre gestion de la collectivité.

Je note simplement deux sujets qui nous intéressent et sur lesquels nous aurons certainement des débats.

D’abord l’extension de l’EPF de Poitou-Charente à la Nouvelle Aquitaine. C’est un outil qui peut s’avérer très utile pour les collectivités du Lot-et-Garonne, et je sais que vous aviez poussé pour la création d’un EPFL au niveau départemental. Mais la question fiscale pose problème, puisque cette extension aura pour conséquence la perception d’une nouvelle taxe.

Je crois que nous sommes tous ici préoccupés par la fiscalité que supportent les Lot-et-Garonnais, et il faudra s’interroger sur l’opportunité d’augmenter cette fiscalité, même si c’est d’un montant modique.

L’autre sujet, c’est la création du campus numérique. Je note d’abord que nous avons appris ce projet dans la presse. Mais rassurez-vous, point de déception puisque nous sommes habitué à votre fameuse méthode de concertation.

Notre intérêt pour le projet n’en est pas pour autant affecté, bien que la comparaison avec un projet comme l’Agropôle nous apparaisse disproportionnée. C’est en tout cas un équipement nécessaire au territoire, que l’on voit d’ailleurs développé un peu partout en France.

Nous avons néanmoins de nombreuses questions sur ce projet, que nous poserons au moment de sa présentation. Et parmi ces questions, il y aura la place des entreprises et des collectivités dans ce projet, parce qu’il nous semble que les entreprises devraient être plus présentes, notamment dans la gouvernance de l’association qui gèrera l’équipement.

Nous vous interrogerons également sur la coordination avec les entreprises et l’Agglomération d’Agen. Ce sont des questions sur lesquelles nous pourrons revenir dans le détail à l’examen du rapport.

J’en finis avec mon propos. Vous l’aurez compris, nous voulons avancer aujourd’hui sur des sujets importants, qui n’appellent pas de positionnements partisans, mais concernent directement l’avenir de notre collectivité.

Je vous remercie.

Photo : © XC – CD47