«  Notre Département s’enfonce progressivement dans l’impuissance »

Discours de Guillaume Lepers, Président du groupe L’Avenir ensemble, lors de la session DM1 du 20 juin 2016.

Monsieur le Président,

Chers collègues,

Une fois n’est pas coutume, mon discours sera bref, tout comme le sera notre session DM1 qui, cela est en revanche de coutume, illustrera l’impotence dans laquelle s’enfonce peu à peu notre collectivité.

Mais avant d’entrer dans le vif du sujet, j’aimerais avoir une pensée pour Marie-Serge Béteille et Pierre-Jean Pudal qui viennent de perdre leur mandat de conseillers départementaux. Il n’est pas question ici d’évoquer les faits, ni même de commenter la décision du Conseil d’Etat. Mais il faut rappeler qu’avant d’être des élus, nous sommes aussi des femmes et des hommes qui nous engageons pour nos concitoyens, et qui faisons beaucoup de sacrifices pour cela.

A ce titre, je sais que Marie-Serge et Pierre-Jean ont été très affectés par la sanction qu’ils viennent de subir, et je tenais simplement à saluer leur engagement pour leur territoire et pour le Département, et leur témoigner notre amitié.

J’en reviens aux sujets qui motivent notre session, et je commencerai par vous livrer mon analyse sur le compte administratif pour l’exercice 2015. Le compte administratif est un document intéressant parce que, contrairement au budget primitif qui constitue une prévision, il permet d’évaluer clairement la gestion de la collectivité et les choix politiques faits par l’exécutif.

Premier constat, nous continuons de pâtir d’un effet de ciseaux qui limite drastiquement nos marges de manœuvre financières. Les dépenses sociales progressent de 9,2 M€ quand, dans le même temps, les dotations de l’Etat reculent de 4,6 M€. Conséquence : notre niveau d’épargne chute et notre capacité de désendettement s’envole.

Second constat, vous ne parvenez pas à contenir la hausse continue des dépenses de fonctionnement. C’est difficile, nous le savons, car les dépenses sociales constituent la part principale de ces dépenses. Vous parvenez à réduire vos charges à caractère général de 8 %. C’est bien, mais c’est peu ! Car cela représente 1,6 M€ d’économies sur un budget de 331 M€, et qu’à titre de comparaison, la hausse des allocations RSA représente à elle seule une dépense supplémentaire de 4,4 M€.

Dans le cadre de la commission de refondation des politiques départementales, nous avions convenu de fixer des objectifs en termes de réduction des dépenses de fonctionnement, que vous avez souhaité limiter aux dépenses à caractère général. Nous le voyons, se contenter d’actionner ce seul levier budgétaire est insuffisant, et d’autant plus insuffisant que les marges d’économies à réaliser dans ce domaine ne sont pas extensives.

Encore une fois, nous sommes prêts à collaborer avec vous pour déterminer les choix à réaliser en matière d’économies. Mais encore faudrait-il que les décisions que nous prenons ensemble soient respectées et suivies d’effets, ce qui ne fut pas le cas à l’issue de la commission ad hoc.

J’en viens à mon troisième constat sur votre compte administratif 2015 : les dépenses d’investissement du Département n’ont jamais été aussi basses depuis 2008 ! Elles baissent peu par rapport à 2014, mais elles atteignent un niveau historiquement bas.

Et ce sont encore une fois les dépenses d’infrastructures qui sont les premières touchées. L’investissement dans la voirie départementale chute de 14 % sur la seule année 2015 ! Nous sommes passés de 40,7 M€ d’investissement en 2008 à seulement 16,6 M€ en 2015 !

Mais ce qui me choque le plus, ce n’est pas que vous renonciez à investir dans les routes départementales. C’est surtout que racontiez l’inverse !

Je rappelle : janvier 2015, à quelques mois des élections départementales, vous annonciez un programme exceptionnel d’aide à l’investissement pour relancer l’activité du BTP. Au lendemain des élections, vous présentiez un budget qui prévoyait une baisse drastique de l’investissement dans les infrastructures, dont nous voyons aujourd’hui le résultat.

Vous avez donc fait l’inverse de ce que vous annonciez : c’est l’exemple flagrant de votre cynisme politicien.

Dernier constat, l’endettement du Département, après plusieurs années de décélération, repart à la hausse en 2015, avec une progression de 3,6 %. Votre recours à l’emprunt est passé de 25 M€ à 28 M€ l’an dernier. Vous avez inscrit un montant de 32 M€ au BP 2016, montant qui sera aggravé d’un emprunt de 4 M€ que vous nous demandez d’approuver aujourd’hui.

Je crains que notre encours de dette reparte franchement à la hausse et que nous nous retrouvions dans une situation plus difficile encore.

Quelques mots sur la DM1. Excepté le nouveau recours à l’emprunt que j’évoquais à l’instant, les mouvements budgétaires sont mineurs. Et c’est justement là le problème ! Il n’y pas d’inflexion de vos choix budgétaires qui permettrait d’envisager le respect des principes que nous avions établis ensemble, à savoir : un objectif clair de réduction des dépenses de fonctionnement, la stabilisation à court terme des charges de personnel et le maintien du niveau d’investissement.

Ces principes n’ont pas été respecté au BP, ils ne le sont pas plus en DM1.

Par ailleurs, je ne vois pas retranscrite dans votre décision modificative, en matière de charges de personnel, la décision du gouvernement d’augmenter le point d’indice de la fonction publique, hausse dont la première tranche de 0,6 % doit intervenir le 1er juillet prochain. J’attends votre éclairage sur ce point.

S’agissant des quelques rapports présentés aujourd’hui. Ils appellent de notre part des commentaires et interrogations que nous réservons à leur examen. Mais je souhaite préalablement aborder un point qui me paraît important.

Il concerne l’application de la loi NOTRe, et en particulier les transferts de compétences entre le Département et la Région. L’absence totale d’informations sur ces transferts nous laisse perplexes et suscite nos interrogations. Nous perdons par exemple une bonne part de notre compétence économique au profit de la Région : à quelle échéance doit-on envisager des transferts de moyens financiers et humains ? La Région va-t-elle prendre le relais sur certains des régimes que nous devons abandonner ?

Il en va de même pour l’agriculture, ainsi que pour les transports. A ce titre, pourriez-vous nous informer sur l’avancée de vos discussions avec la Région concernant la prise en charge du transport scolaire ?

Pour conclure, cette session n’est pas de nature à nous rassurer. A l’instar d’un Etat qui n’est plus capable de remplir ses missions essentielles, en particulier la protection des biens et des personnes. A l’instar d’une majorité parlementaire qui se trouve divisée sur des sujets majeurs comme le droit du travail, et même l’avenir de nos institutions. Notre Département s’enfonce progressivement dans l’impuissance, une impuissance pour laquelle, par complaisance et inertie, vous portez une part importante de responsabilité.

Je vous remercie pour votre attention.

Photo : © L’Avenir ensemble