Soyez courageux ! La survie de notre Département en dépend !

Discours de Guillaume Lepers, Président du groupe L’Avenir ensemble, lors du débat d’orientations budgétaires du 29 février 2016.

Monsieur le Président,

Chers collègues,

Je dois vous dire, pour introduire mon propos, qu’à la lecture de ces orientations budgétaires, je suis rassuré. Oui, rassuré, parce que je lis que nous avons une politique ambitieuse. « Une politique ambitieuse de développement territorial », « un programme d’investissement (…) exceptionnel et ambitieux » pour les casernes de pompier, « un programme ambitieux » pour la restauration collective des collèges…

Je ne vois donc pas de quoi nous inquiéter puisque, en dépit de difficultés financières avérées, nous restons, quoi qu’il arrive, ambitieux !

Pour parler sérieusement, et passer sur la rédaction politique de ces orientations budgétaires, je crois que nous assistons à la mort silencieuse du Département. Vidé de ses compétences, asphyxié financièrement, notre collectivité devient une coquille vide.

Il suffit, pour s’en convaincre, de constater l’activité de notre assemblée. Nous tournons au ralenti : les commissions sont annulées faute de rapports à examiner. La commission permanente voyait passer l’an dernier entre 80 et 100 rapports à chaque réunion : 8 à la réunion du mois de janvier, 13 aujourd’hui. Et certains de nos services sont aujourd’hui désemparés, incapables de savoir quels régimes ils peuvent encore appliquer.

Ne voyez pas en ces propos une volonté de noircir le tableau. Si dans cet hémicycle, nous nous sommes présentés aux élections départementales, c’est parce que nous avions la volonté de nous engager pour notre territoire et ses habitants. Parce que nous croyions que le Département pouvait encore agir sur le quotidien de nos concitoyens.

Hélas, je constate que nous sommes désormais impuissants. Qui plus est en matière de développement économique, domaine dans lequel je souhaitais particulièrement m’investir.

Le temps n’est pas à la polémique, mais je crois qu’il nous revient de pointer les responsabilités dans cette situation.

Je sais qu’il existe une volonté, à Paris, au-delà des clivages politiques, de mettre fin aux départements. La réforme du conseiller territorial préfigurait déjà cette suppression. Mais je considère qu’elle le faisait intelligemment, en gardant des régions à taille humaine, en réduisant le nombre d’élus, et en permettant à ces élus de garder, en siégeant à la région et au département, l’ensemble des leviers d’action pour leur territoire.

Je crois, par ailleurs, que notre gouvernement actuel a une responsabilité particulière dans la situation que nous vivons.

Il a d’abord supprimé la réforme du conseiller territorial et a préservé le Département dans son ancienne configuration. Il a ensuite proposé un pacte de confiance et de responsabilité avec les collectivités, qui s’est notamment traduit, vous le rappelez dans les orientations budgétaires, par de nouvelles ressources pour les départements. Et cette politique, volontairement pro-départements, s’est accompagnée de déclarations d’amour du chef de l’Etat qui, en janvier 2014, annonçait encore qu’on ne toucherait jamais au département !

Trois mois après, le Premier ministre annonçait sa suppression et la baisse des dotations aux collectivités. S’en suivait une réforme territoriale incohérente, qui réduisait les compétences du département tout en éloignant la région du citoyen.

Voilà comment notre gouvernement, qui a d’abord voulu préserver le département, est finalement en train de le tuer.

Faute de courage politique, il le tue lentement, par asphyxie, en lui retirant peu à peu ses compétences, et en accentuant petit à petit le gouffre entre des dépenses sociales qui explosent, et des compensations financières qui s’amenuisent.

Non Monsieur le Président la loi NOTRe n’a pas « conforté le département ». Elle participe, au contraire, à son démantèlement. Et les nouvelles aides que pourrait débloquer le gouvernement n’offriront qu’un répit.

Je crois aussi que vous avez une part de responsabilité dans cette situation. Vous connaissez notre position, nous ne vous prenons pas de court. Cette responsabilité est, certes, limitée au regard des attaques subies par le département. Mais je crois sincèrement que vous auriez dû prendre bien plus tôt la mesure de la situation, comme vous y invitaient nos prédécesseurs.

D’autres départements ont pris des mesures d’économies depuis déjà plusieurs années pour prévenir cette situation. De nombreuses communautés d’agglomération ont également pris des mesures drastiques pour réduire leurs dépenses de fonctionnement.

Que faisiez-vous quand ces collectivités faisaient des efforts ? Vous avez certes réduit de 6 % les frais généraux en 2015, mais vous avez créé en même temps dix postes de catégorie A dans l’administration. Dix postes ! Et sur des fonctions éminemment politiques ! Est-ce donc « l’esprit maison » dont vous parliez dans vos vœux aux agents ?

Comment expliquer à nos agents qu’il faut faire des efforts ? Comment leur expliquer que certains départs à la retraite ne seront pas remplacés ? Si d’un autre côté, vous continuez d’embaucher de gros salaires ? Des embauches dont nous ne comprenons pas d’ailleurs l’utilité.

Vous m’aviez dit la dernière fois qu’il s’agissait d’étoffer l’administration départementale. Je vous avez répondu que lorsqu’une entreprise est en grande difficulté, son premier souci n’est pas de renforcer son équipe de direction. Je persiste, et je signe.

Nous voilà donc dans une situation délicate, pour ne pas dire désespérée. Une situation qui appelle de notre part une réaction.

Vous avez accepté notre proposition de créer une commission ad hoc pour réfléchir ensemble sur les politiques et le fonctionnement du Département. Nous l’avons salué, et nous avons joué le jeu. Nous avons participé à cette commission. Nous avons échangé sur notre vision de la situation. Et nous avons proposé des gardes-fous et une méthode, pour que les lignes budgétaires ne soient pas le seul outil de lecture.

Je me réjouis que ce travail ait pu être possible. Parce qu’au-delà des désaccords. Au-delà des postures. Nous sommes parvenus à dégager des axes communs de travail.

Mais il faut maintenant passer de la parole aux actes. Il faut, dès à présent, mettre en œuvre les axes que nous avons déterminés ensemble. Cette nécessité d’agir n’a jamais été aussi impérative pour l’avenir de notre collectivité.

Nous retrouvons dans vos orientations budgétaires la majeure partie des préconisations adoptées par la commission ad hoc. C’est ce que nous attendions. Mais un doute persiste à la lecture de votre rapport : aurez-vous le courage de mettre en œuvre ces préconisations ? C’est la question que je vous pose aujourd’hui.

Tout simplement parce que nous ne percevons pas ce volontarisme dans vos orientations budgétaires. Par exemple sur les dépenses de personnel. C’est un désaccord qui a persisté au-delà de la commission. Vous prévoyez une stabilisation de la masse salariale en 2018. Nous continuons de penser que ce sera trop tard.

Nous risquons le défaut de paiement à la fin de l’année. C’est maintenant qu’il faut agir. Aussi difficile que soit, j’en conviens, la maîtrise de la masse salariale. Mais peut-être serait-il utile de remettre en question quelques-unes de vos dernières embauches ?

Nous nous sommes accordés sur l’objectif d’une réduction de 10 % des dépenses des services. Vous limitez cette baisse aux moyens généraux ? Il faudra aller plus loin dans les économies de fonctionnement pour espérer rester à flots.

Vous parlez de prioriser les dépenses obligatoires du Département. Nous sommes d’accord, mais comment cela se traduit-il ? Nous avions évoqué des pistes, mais comment seront déterminés les politiques et les régimes qui seront abandonnés ?

Une consultation des Lot-et-Garonnais a été réalisée, elle ne doit pas rester qu’une opération de communication. Elle a aussi permis d’en savoir plus sur les priorités de nos concitoyens. Nous ne voyons pas retranscris, dans vos orientations budgétaires les résultats de cette consultation. Aura-t-elle des conséquences budgétaires ?

Vous évoquez également un nouveau partenariat avec les collectivités ? Que faut-il entendre par là ? C’est un point que nous n’avions pas résolu dans le cadre de la commission. Nous avons besoin de clarifier cela pour que les maires sachent s’ils peuvent encore compter sur le Département.

Monsieur le Président, chers collègues, nous sommes ici une assemblée délibérante qui, à travers cette session, fixe des objectifs et des orientations pour l’année à venir. Mais il revient à l’exécutif départemental de mettre œuvre ces orientations. Ce ne sera pas une tâche facile, mais c’est à l’aune de cette obligation de résultats que vous serez jugés.

En conclusion, nous prenons acte de vos orientations budgétaires. Nous vous faisons crédit d’une volonté sincère d’éviter le naufrage. Mais nous regarderons votre capacité à mettre en œuvre la ligne définie par la commission ad hoc.

Nous continuerons d’ailleurs à participer aux travaux de cette commission. Dans un esprit constructif et responsable. Comme nous accepterons de collaborer à chaque fois que vous nous impliquerez dans l’élaboration des politiques départementales.

Mais c’est à vous qu’il revient, pouvoir exécutif local, de mettre en œuvre ces orientations. Soyez véritablement courageux ! La survie de notre Département en dépend !

Je vous remercie.

Photo : © XC – CD47